LE RISQUE DE NE PAS INFORMER SON COCONTRACTANT DE SON CHANGEMENT DE SIEGE SOCIAL
Ne pas informer son cocontractant de son changement de siège social peut rendre valable une résiliation du contrat faite hors délai.
1 - L’obligation d’indiquer son siège social
L’article R 123-237 du Code de commerce dispose :
« Toute personne immatriculée indique sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom :
- Le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article D. 123-235 ;
- La mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée ;
- Le lieu de son siège social ; »
Pour tout professionnel, il existe donc une obligation légale et compréhensive d’indiquer à ses clients éventuels mais aussi à ses cocontractants où l’on se trouve.
Dans la vie sociale d’une société, le changement de siège social intervient et doit bien évidemment faire l’objet d’une délibération de l’organe délibérant de la société, d’une modification des statuts et d’un enregistrement au registre du commerce et des sociétés territorialement compétent ainsi que d’une publication dans un journal d’annonces légales.
C’est cette publication qui rend l’adresse du siège social opposable aux tiers.
Entre la date de la délibération décidant le changement du siège social et la date de publication de cette modification dans un journal d’annonces légales il peut exister un délai durant lequel le siège effectif de la société ne correspond pas à ce qui est enregistré.
Durant ce délai, les clients doivent être informés.
A défaut, comme il a été jugé récemment par les juridictions commerciales, le risque est réel.
S’agissant d’un « espace-temps » somme toute assez réduit, il existe peu de jurisprudence sur le sort des échanges durant cette période.
2 - Le risque en cas de résiliation
Dans une affaire récente, une société a décidé le changement de son siège social suivant délibération du 18 juin 2019. Elle a déposé au Tribunal de Commerce de son ressort sa demande de modification le 28 août 2019 (on peut déjà s’interroger sur le délai de dépôt du dossier).
La publication, donc l’opposabilité aux tiers a été effectuée le 10 octobre 2019.
Entre le 18 juin et le 10 octobre 2019, la société a continué à faire figurer sur ses factures l’adresse du siège social abandonné.
Or, un contrat la liant à l’un de ses clients devait être résilié avant le 18 septembre 2019.
Dans le délai, son client a envoyé en recommandé avec accusé de réception sa lettre de résiliation, laquelle lui est revenue avec la mention « Inconnue à cette adresse », mais postérieurement au 18 septembre 2019, rendant donc toute nouvelle résiliation dans les délais impossible.
Le client ayant perdu la preuve de cet envoi dans les délais, la résiliation a été contestée par la société ayant déménagé.
Dans ces conditions, le Tribunal de Commerce a considéré qu’en informant pas son cocontractant de son changement de siège social, la société a contribué à ne pas mettre son client en mesure d’exercer tous ses droits, en particulier de mettre fin au contrat par lettre recommandée avec avis de réception.
Il relève la négligence de la société.
3 - La bonne foi doit régir les contrats
Cette solution est conforme au principe de bonne foi qui doit régir les relations contractuelles.
Elle est également conforme à l’esprit de la loi qui oblige une société à déclarer un siège social.
Elle est enfin conforme au bon sens, une société ne pouvant obliger son cocontractant à lui écrire à une adresse à laquelle elle sait qu’elle ne pourra pas être touchée.
Jean-Michel GASTON
Pour lire la décision
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